Notre cerveau produit des pensées comme nos glandes sudoripares de la transpiration ou nos reins de l’urine. Cette production génère un flux de pensées ininterrompu qui traverse le champ de notre conscience. La plupart de ces pensées ne sont pas de notre fait et apparaissent spontanément comme une rivière qui s’écoule pour disparaitre au loin. Certaines sont intéressantes, fécondes d’autres sans intérêts, absurdes ou détestables. Notre boulot d’être humain est de savoir faire le tri pour choisir celle qui valent la peine d’être prise en considération et laisser filer les autres. Parfois nous nous embourbons autour de certaines pensées. C’est la rumination mentale.

La rumination consiste à ressasser répétitivement certains thèmes négatifs. Nous nous laissons embarqués dans des commentaires d’autodépréciation autour de thèmes tels que l’échec, le jugement, les erreurs, etc.

Certaines pensées fonctionnent comme des pensées hameçons. C’est-à-dire que si notre conscience les attrape pour les mordre, Elle se retrouve enferré et ces pensées hameçons nous entrainent dans des ruminations. Ces ruminations génèrent des émotions qui génèrent de nouvelles pensées négatives. Ainsi de suite… Cette agitation mentale fonctionne comme si on s’agitait dans un sable mouvant. Elles sont à l’origine d’une usure de notre psychisme qui peut déborder par de fausses bonnes solutions pour diminuer la souffrance qu’elles engendrent comme l’alcoolisme, la boulimie ou les automutilations ou favoriser la dépression, les somatisations ou les troubles du sommeil.La rumination peut faire le lit à la dépression. Il est intéressant d’en prendre conscience pour la traiter avant qu’elle ne dégénère mais elle peut être un signe de la dépression s’enkystant autour de thèmes fait de reproches ou de regrets.

Inquiétudes et ruminations

Il est nécessaire différencier les ruminations qui est une façon pour notre esprit de patiner sur place avec le regard tourné vers le passé avec les inquiétudes. Ces dernières ont comme objectifs d’anticiper de futurs dangers.

Facteurs favorisants

Les femmes sont plus vulnérables aux ruminations. Ce fait explique que les femmes souffrent deux fois plus de dépression que les hommes.
Les ruminations sont plus importantes le soir que les matins. Pour les personnes vulnérables aux ruminations, il est conseillé de s’atteler à des sujets difficiles ou conflictuels le matin et surtout pas après 16H pour ne pas s’exposer à des troubles de sommeil du fait d’un excès de pensées.

Les ruminations : un dysfonctionnement de la régulation de notre psychisme

Christophe André dit : « on pourrait comparer la rumination à l’inflammation, un mécanisme naturel de défense et de cicatrisation de notre corps, qui a dépassé son objectif et devient lui-même une pathologie : ce qui devait n’être qu’une réflexion destinée à régler un problème devient uen interminable chaine d’états d’âme douloureux et inutiles. »
Lorsque l’on vit un événement difficile, notre cerveau se met en branle en augmentant son volume de pensées. Notre cerveau émotionnel qui est le cerveau de l’urgence, se met à voir des problèmes partout. De ce fait, il peut s’emballer pour trouver des pseudo-solutions à de faux problèmes. Pour ne pas que cela dégénère en rumination faisant le lit à d’autres pathologies, il est nécessaire de laisser s’écouler ce flux de pensées sans les attraper ni les commenter. Ainsi, au bout de plusieurs heures ou plusieurs jours, notre cerveau va s’apaiser et notre cerveau émotionnel va prendre du recul et la personne pourra reprendre une vie plus apaisée et sereine.

Les conséquences des ruminations

Les ruminations sont sources d’effets indésirables. Elles engendrent des troubles de l’attention et de la concentration. Elles distordent la réalité pour mettre la focale sur les éléments négatifs qui entoure la personne qui en souffre. Elles sont à l’origine de distorsions cognitives qui vont favoriser de nouvelles ruminations à d’autres occasions.
Tout le monde n’a pas la même vulnérabilité aux ruminations. Certaines personnes sont « des ruminants ». Lorsque ces personnes mettent en avant ce trait de caractère, elles prennent le risque de lasser et d’agacer leur entourage.

Le traitement

Il commence par une prise de conscience de ce flux de pensée que nous avons tous et du caractère néfaste de mordre aux « pensées hameçons ». Le patient append que ressasser est un mauvais choix et qu’il doit le distinguer d’un acte de réflexion.
La production de pensées est favorisée par les émotions. Les émotions se digèrent dans le ventre. Si elles ne trouvent pas de place, elles montent aux cerveaux pour le secouer. Il en ressort de nombreuses pensées. Aussi un travail de relaxation, de respiration ventrale et une meilleure gestion des émotions participent à diminuer les ruminations.
Une émotion est une information sur les besoins de la personne et une énergie. Prendre l’information sur ce que nous raconte notre ventre et purger sa charge énergétique à travers une action engagée diminuer le risque de rumination. C’est pour cette raison que l’activité physique diminue les ruminations.

La pleine conscience apprend à prendre conscience de cette production de pensées et à ne plus être gouvernée par elle. Le programme MBCT permet de prévenir la rechute dépressive et le programme MBSR de prévenir les ruminations anxieuses.
La thérapie ACT permettent de prendre conscience de ces pensées et de choisir de focaliser les actions que l’on choisit d’avoir. La métaphore du bus ou le patient est le conducteur et les passagers sont les sources de pensées hameçons est un bon exercice pour apprendre à vivre avec ces distracteurs tout en maintenant sa concentration sur son chemin
La psychanalyse est peu efficace chez les ruminants et notamment chez les personnalités obsessionnelles. En effet, le principe de libre association sans cadre les englue dans des pensées qui aggraveront leurs troubles.

Bibliographie :
Hayes S. Passez à l’ACT, De Boeck
André C. : Mes états d’âmes. Odile Jacob
Monestes J-L. et Baeyens C. : L’approche transdiagnostque en psychopathologie. Dunod
Nolen-Hoeskama S : Sex différences in unipolar depression. Psychological Bulletin, 101 :259-82, 1987
Seznec JC et al : Act, applications thérapeutiques, Dunod
Segal Z et al : La thérapie cognitive basé sur la pleine conscience. De Boeck
Van Rillaer J. : Les ruminations mentales. Sciences et pseudo-sciences N°318, octobre 2016

AUTEUR :
Dr. Jean-Christophe Seznec

Extrait de la revue Fink Pro

La revue pro – TCC Partie 3- Février 2017